La Suède accueille des déportées de Ravensbrück

« Jusqu’à la dernière minute, il a fallu que les représentants de la Croix-Rouge suédoise discutent avec Suhren, le commandant SS de Ravensbrück, pour que celui-ci laisse partir toutes les détenues, conformément à l’accord passé avec la Croix-Rouge suédoise. Suhren avait caché un certain nombre de prisonnières dont il espérait pouvoir se servir comme monnaie d’échange personnelle.  Heureusement, une détenue avait donné leurs noms aux représentants de la Croix-Rouge. » Les françaises à Ravensbrück,  Amicale de Ravensbrück et Association de déportées et internées de la Résistance, NRF Gallimard, 1965

Près de 9.000 femmes de France ont été victimes des mesures de répression et déportées dans les camps de concentration de l’Allemagne nazie.

Une femme sur cinq n’y survivra pas.

Parmi les rescapées, environ 600, libérées du camp de Ravensbrück par l’action de la Croix-Rouge et conduites en Suède avant d’être rapatriées, ont connu un parcours singulier.

Parenthèse des plus méconnues de l’histoire de la déportation des femmes, cette étape a pourtant laissé un souvenir prégnant dans l’esprit des déportées.

Evacuation de Françaises de Ravensbrück en Suéde. © Fonds Germaine Tillion, Musée de la Résistance de Besançon.

Evacuation de Françaises de Ravensbrück en Suéde. © Fonds Germaine Tillion, Musée de la Résistance de Besançon.

Arrachées à l’enfer des camps les 23 et 25 avril 1945, conduites dans des bus blancs de la Croix-Rouge, la majorité de ces femmes arrive le 26 avril à Malmö, sur la côte suédoise.

Parmi elles, Madeleine Aylmer-Roubenne est parvenue à sortir du camp un paquet de linge blanc, caché sous ses robes. Sa fille Sylvie s’y trouve emmaillotée. Elle est née le 21 mars 1945 au camp. Une autre française, Mme Poirot, a dissimulé, dans un sac de toile cirée, son fils Guy, né dix jours auparavant. Sur les trois nourrissons nés à Ravensbrück de mère française qui ont survécu, deux sont ainsi sauvés par la Croix-Rouge suédoise.

850 naissances à Ravensbrück de 1944 à 1945, 5 survivants dont 3 Français (Le troisième survivant est Jean-Claude Passerat)

« Marie-Jo Chombart de Lauwe fut providentielle pour ma fille et moi, au moment de mon accouchement[1]. »
 Madeleine Aylmer-Roubenne

Réparties dans divers centres (Trelleborg, Ryd, Göteborg, Malmö), les déportées reçoivent les premiers soins. Les survivantes ont témoigné de l’accueil chaleureux des services humanitaires suédois. Des écoles, des salles communales sont transformées en hospices. Les Lottas, les infirmières volontaires suédoises, sont aux services de femmes épuisées. La population civile offre son assistance en donnant le gîte et le couvert.

Une légation française vient photographier chacune d’entre elles pour produire de nouvelles pièces d’identité. Elles retrouvent une humanité.

Pour avertir au plus vite leurs proches de cette libération inespérée, des centaines de télégrammes partent vers la France. Tous expriment le soulagement d’être enfin libres, et se veulent rassurants :

« Maman et moi attendons rapatriement. Embrasse Dominique et tous. »

 « BONNE SANTE – Bonheur incroyable, tendresses à Danièle, Ginette, et Henri ».

« Bonne santé, sommes très dorlotées. Vous embrasse ».

Les listes des femmes arrivées en Suède sont diffusées à la radio française et publiées à la une des quotidiens.

Malgré les efforts de l’hôte suédois, les semaines de convalescence ne font que s’ajouter au long mois passés loin de leur foyer. L’impatience gagne ces Françaises qui ont hâte de retrouver leur pays.

Mi-juin, les rapatriements par avion sont organisés. Tous les deux jours environ, quinze à vingt femmes atterrissent au Bourget avant de rejoindre en bus l’hôtel Lutétia. Les dernières femmes rentrent au mois d’octobre.

Après plusieurs semaines de convalescence en Suède, ces déportées retrouvent leur pays dans de meilleures conditions que les autres rapatriées. Leur parcours compose l’une des facettes de cette déportation féminine aux multiples visages.

Odette Fabius résume simplement ce sentiment éprouvé par les femmes revenues par la Suède : « Nous fûmes admirablement reçues, nourries, choyées, gâtées. » [2]

© CICR - Evacuation de Françaises de Ravensbrück par transport de la Croix-Rouge internationale mai 1945

© CICR – Evacuation de Françaises de Ravensbrück par transport de la Croix-Rouge internationale mai 1945

A la libération du camp de Ravensbrück, Marie-Claude Vaillant-Couturier et le docteur Adelaïde Hass-Hautval refuseront de le quitter pour rester auprès des malades. Elles seront rapatriées en France par le dernier avion le 25 juin 1945.

Pierre-Emmanuel Dufayel

[1] Madeleine Aylmer-Roubenne, J’ai donné la vie dans un camp de la mort, J.C. Lattès 1997.

[2] Odette Fabius, Un lever de soleil sur le Mecklembourg, Mémoires, Albin Michel, 1986, p. 209.

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